Tentative de censure de Médiapart et dérives possibles | Ojim.fr – Observatoire des Journalistes et de l'Information Médiatique

2 décembre 2022
2 décembre 2022
Temps de lecture : 3 minutes
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Le feuil­leton débute au mois d’août 2022. Ant­ton Rouget, jour­nal­iste à Medi­a­part, révèle les pra­tiques dou­teuses du maire de Saint-Éti­enne et de son entourage, qui s’adon­neraient au chan­tage poli­tique sur un adjoint, Gilles Artigues, au moyen d’une sex­tape. Si l’af­faire peut cho­quer, elle n’a, admet­tons-le, rien de nou­veau. Le chan­tage est une pra­tique vieille comme le monde, et qu’un élu s’y adonne n’est pas vrai­ment pour sur­pren­dre. Mais révéler ces pra­tiques illé­gales et immorales relève de l’intérêt général. Cepen­dant, ce n’é­tait pas l’avis de maître Ingrain, avo­cat du maire de Saint-Éti­enne qui pre­nait l’offensive pour blo­quer toute nou­velle révélation.
L’af­faire prend une autre tour­nure il y a quelques semaines. Au cours de ses inves­ti­ga­tions, Rouget décou­vre une petite bombe : Per­dri­au aurait voulu faire chanter Lau­rent Wauquiez, prési­dent de la région Auvergne-Rhônes-Alpes, ancien prési­dent des Répub­li­cains et poten­tiel prési­den­tiable. Il ne s’ag­it plus d’un chan­tage local, mais de faire pres­sion sur le prési­dent d’une des plus grandes régions de France et cadre poli­tique d’en­ver­gure nationale en l’accusant de pédophilie. Lau­rent Wauquiez a de suite porté plainte en apprenant cette calom­nie, pure inven­tion pour nuire à un con­cur­rent du même par­ti et de la même région.
Ces révéla­tions ont été obtenues par le jour­nal­iste de Medi­a­part à tra­vers la con­sul­ta­tion d’en­reg­istrements, effec­tués par Gilles Artigues afin de prou­ver le chan­tage dont il a été victime.
Le 18 novem­bre 2022, alors que le site tenu par Edwy Plenel se pré­pare à révéler le nou­veau volet de ce qui est devenu l’af­faire Per­dri­au, le tri­bunal judi­ci­aire de Paris envoie un huissier dans les locaux de la rédac­tion. Il est por­teur d’une ordon­nance qui inter­dit au site d’in­ves­ti­ga­tion la pub­li­ca­tion de l’en­reg­istrement obtenu par Rouget, qui est l’ap­pui cen­tral de son enquête, sous peine d’être sanc­tion­né de 10 000 euros par extrait pub­lié. La requête fait suite à une demande de Christophe Ingrain, avo­cat de Gaël Per­dri­au. Selon l’av­o­cat pénal­iste, cet enreg­istrement est illicite et sa pub­li­ca­tion représente une vio­la­tion de la vie privée.
L’af­faire crée un précé­dent : la jus­tice ordonne la cen­sure d’un titre de presse  sur sim­ple avis de la défense sans même con­sul­ter la par­tie adverse. Les men­aces finan­cières rap­pel­lent celles de l’af­faire Avisa Part­ners. Dans les deux cas, le dilemme est : pub­li­er ou accepter les risques financiers. Néan­moins, dans la pre­mière affaire, la requête émanait d’un avo­cat et pas de la jus­tice, du min­istère pub­lic. Dans cette affaire, c’est la jus­tice de la République qui empêche la pub­li­ca­tion de révéla­tions met­tant en cause l’un de ses élus. C’est ce qui, finale­ment, pose le plus prob­lème et non l’action de Maître Ingrain qui n’a jamais fait que son tra­vail en essayant d’empêcher la pub­li­ca­tion d’un papi­er incrim­i­nant son client.
Comme le relate Mar­i­anne, Plenel et ses avo­cats devant la juge s’in­quiè­tent des dérives poten­tielles qu’ou­vre cette déci­sion. Se bas­ant sur ce précé­dent, qu’est-ce qui empêcherait un député, un séna­teur ou un min­istre de faire cen­sur­er une enquête de presse lui nuisant ? Afin d’éviter ces dérives, la séna­trice cen­triste Nathalie Goulet a rédigé une propo­si­tion de loi qui vient pré­cis­er la loi de 1881 sur la lib­erté de la presse. Celle-ci vient pré­cis­er l’ar­ti­cle 5 en y ajoutant qu’une cen­sure préal­able est pos­si­ble, à la con­di­tion que les deux par­ties aient été con­sultés ; dans le cas présent c’est un blanc-seing qui était don­né à l’av­o­cat de Perdriau.
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Dans l’ensem­ble de la presse, les réac­tions ont été vives et beau­coup pointaient un nou­veau recul poten­tiel de la lib­erté de la presse. Si l’idée du tri­bunal de Paris et de l’av­o­cat du maire de Saint-Éti­enne était de met­tre l’af­faire sous le bois­seau, c’est loupé. De nom­breux titres de presse, Libéra­tion, Mar­i­anne, Atlanti­co, ou l’Hu­man­ité pro­po­saient de pub­li­er l’af­faire si la cen­sure était main­tenue. Au total nous por­tons un juge­ment sévère (voir infra) sur Médi­a­part, mais nous nous sommes asso­ciés à cette protes­ta­tion con­tre une cen­sure de plus. In fine la cen­sure a été lev­ée par le tri­bunal mer­cre­di 30 novem­bre 2022 et l’article, acca­blant pour le maire de Saint-Eti­enne, a été pub­lié. En atten­dant peut-être d’autres épisodes.
Voir aus­si : La méth­ode Médi­a­part, vue par Pierre Péan dans Le Monde diplomatique

Mots-clefs : Antton Rouget, Censure, Gaël Perdriau, Gilles Artigues, Laurent Wauquiez, Médiapart
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