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Passez au mode clair qui est plus doux pour vos yeux la journée.
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Certains enfants n’ont pas la chance de grandir au sein de leur famille. Pour diverses raisons, ils sont confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Bien que le placement d’enfants soit justifié par le souci du bien-être de ces mineurs, d’autres mesures pourraient aider les familles à retrouver un équilibre. De même, les conditions de placement sont à surveiller. Un enfant n’est pas un dossier à classer.
Audrey Poussines a interviewé l’avocat Pierre Verdier, spécialiste du droit de la famille et de l’enfant, afin de faire la lumière sur les rouages judiciaires des placements d’enfants en France.
Je suis avocat dans le domaine du droit des personnes : adoptions, divorces, filiations, autorité parentale.
Non, psychologue de première formation. J’ai été inspecteur de l’Aide Sociale à l’Enfance puis directeur de la DDASS de la Moselle. C’est à ma prise de retraite que j’ai soutenu une thèse de droit. Par la suite, je suis rentré au barreau de Paris, le plus important de France : 28000 avocats y sont rattachés soit près de 40 pour cent des avocats de France.
En tant qu’avocat, je suis là pour conseiller, assister et représenter les parents ou les enfants. L’avocat n’est pas obligatoire dans ces procédures. Et pourtant un avocat est indispensable selon moi car les juges sont plus à l’écoute quand il y a un avocat en face d’eux. Je soutiens généralement des dossiers face à un juge des enfants ou à un juge des affaires familiales. Un juge des enfants exerce dans le domaine de la protection des enfants notamment pour les affaires de maltraitance. Le juge a plutôt le rôle d’arbitre.
Non, je n’ai jamais ressenti de pression de qui que ce soit, peut être parce que je suis connu et qu’en raison de mon âge, je suis plus respecté.
Il y a en France un nombre très important de placements d’enfants abusifs. J’affirme que la moitié des placements devraient être évités. Il n’y a pas de prise en compte de la parole de l’enfant alors que la loi dit bien que l’enfant est capable de discernement et doit être entendu. Il est toujours important de voir comment l’enfant va se comporter avec ses parents pour voir si tout se passe bien. Il y a un gros problème dans la région parisienne. Quand on ne peut obtenir un retour immédiat, ou qu’il n’est pas justifié, je préfère trouver un compromis comme demander des actions éducatives en milieu ouvert ou des droits de visites.
En Europe, la France est le pays qui place le plus! On reproche trop aux parents de faux problèmes. Les parents qui vont avoir des enfants handicapés sont plus enclins à subir des placements abusif c’est pour ça, qu’il y a une sur représentation d’enfants handicapés à l’ASE. Je trouve que la toute puissance administrative nuit à la protection de l’enfance.
Normalement, on place un enfant quand il est maltraité (physiquement ou moralement) ou que les conditions de son éducation et de son développement sont gravement compromises. Mais on voit tout de suite la part de subjectif dans ces appréciations.
Oui, c’est toujours sans public (on dit “en chambre du conseil”). En plus, l’avocat n’est pas obligatoire dans les procédures d’assistance éducative, aussi beaucoup se présentent seuls, sans assistance et se font rétamer sans rien y comprendre soit pour des raisons financières, soit parce qu’ils estiment n’avoir rien à se reprocher.
Je préconise une progression dans leur prise en charge et ceci en plusieurs étapes : accorder des droits de visites, hébergements, vacances puis retour définitif, pourquoi pas. Les familles peuvent voir de plus en plus leurs enfants encadrés par l’ASE, si c’est possible.
Il y en a environ 130 000 enfants confiés à l’ASE par voie d’assistance éducative. L’assistance éducative ce n’est pas les placements seulement, c’est aussi les actions éducatives à domicile. L’appel est possible et très fréquent, mais outre de longs délais c’est généralement inutile.
Je me souviens de placements qu’on a pu éviter, ou plus souvent des restitutions d’enfants qu’on a réussi à obtenir. Je pense à certains retours d’enfants à l’audience et à l’énorme joie des enfants et des parents. J’ai accompagné aussi des situations d’abandon et d’adoption qui étaient plus douloureuses.
On enregistre de très gros progrès dans les textes de loi depuis 1984. En 1984 une loi sur les droits des familles dans leurs rapports avec les services de l’aide à l’enfance institue le droit d’être informé, d’être entendu, d’être assisté (par un avocat ou autre personne) de faire appel des décisions. C’est surement la grande avancée de ces dernières années. En 2002, il y a l’instauration de relations contractuelles (projet pour l’enfant, signature de contrat de séjour). Jusqu’en 2002, les familles ne pouvaient alors pas consulter les dossiers les concernant, maintenant c’est possible avant l’audience. L’avocat peut aussi demander les copies car les avoir permet de prendre son temps, de bien éplucher le dossier et de pouvoir en discuter. En 2017, il y a de nouvelles avancées pour adapter le statut juridique de l’enfant à ses besoins. Il y a quelques affaires qui ont marqué la protection de l’enfance : l’affaire MARINA, une enfant morte maltraitée par sa famille après plusieurs signalements.
En théorie oui, mais en fait très peu, car les lois ne sont pas appliquées.
On entend souvent dire que les placements rapportent (100 à 200 euros par jour et par enfant). C’est plus complexe, car ils rapportent aux établissements d’accueil, gérés par des associations, mais ils coutent aux départements qui paient les prix de journée.
En raison de mes expériences passées, j’interviens surtout pour des familles qui veulent récupérer leur enfant. Le placement a pu parfois être justifié, mais ne l’est plus car la situation a évolué. J’interviens aussi pour des enfants : récemment, je me suis chargée du cas d’une adolescente de bientôt 17 ans qui s’estime maltraitée et qui a demandé le placement. Elle a obtenu, avec notre aide, un accueil en foyer. J’encadre aussi des demandes de délégation d’autorité parentale ou d’adoption de mineurs non accompagnés (MNA) : il s’agit d’enfants étrangers arrivés en France par des filières diverses.
Plus que le manque de professionnalisme, il faut remettre en cause l’éclatement des décisions. On ne sait pas qui décide dans cette nébuleuse et personne n’est responsable. L’ASE dit « c’est le juge », le juge motive ses décisions « vu le rapport de l’ASE ». Il faudrait introduire un peu d’humanité dans ce fonctionnement administratif.
Certains usagers enregistrent les conversations ou auditions avec les services sociaux à titre de preuves. Le code pénal (art 226-1) punit le fait d’enregistrer une personne sans son consentement, le code spécifie que cet enregistrement est interdit lorsqu’il est effectué dans un lieu privé et s’agissant de paroles prononcées à titre privé et confidentiel. Je ne recommande pas cette pratique, qui est discourtoise et une marque de défiance, mais je la comprends. J’accompagne des familles qui l’ont fait et cela a permis de changer d’éducateur.
Vers 1980, j’ai publié « L’Enfant en miettes ». Ce livre a formé des centaines de travailleurs sociaux. Il dénonce les comportements trop bureaucratiques de l’ASE et la souffrances provoquées par ces placements. Ce livre est sans cesse réédité : dernière édition 2020 aux éditions Dunod. J’ai dénoncé le manque d’écoute des enfants et des parents et les placements
itératifs.
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