Le procureur a requis une peine de 18 ans contre l’auteur de l’assassinat d’un Portugais en septembre 2020 à Morges (VD). La défense n’a pas contesté l’assassinat mais elle a invité la cour à tenir compte du trouble grave dont souffre son client.
Pour le procureur fédéral Yves Nicolet, les actes très graves, les motifs futiles et l’absence de prise de conscience mériteraient une peine à vie. Cette sanction doit cependant être réduite en raison de la responsabilité moyennement diminuée qui a été attestée par l’expert psychiatre. La peine tiendra compte des 3 ans et demi déjà passés en préventive.
Le représentant du Parquet a rejeté l’idée d’un traitement institutionnel en milieu fermé préconisé par l’expert. Il a relevé plusieurs motifs qui s’y opposeraient: le prévenu n’a pas conscience de sa maladie et n’est pas demandeur de soins, il dit préférer la prison. Dans ces conditions, seul l’internement ordinaire est en mesure d’assurer la sécurité publique à l’issue de la peine, a martelé le magistrat.
Les circonstances et les mobiles de l’homicide commis relèvent de l’assassinat, selon le procureur. Au-delà de l’établissement d’un ‘prétendu califat’, l’auteur voulait en réalité accéder au statut convoité de ‘moudjahidin’. Il a été poussé par un ‘égoïsme primaire et odieux’. L’homme a aussi choisi une victime au hasard, sans la connaître, au mépris de sa vie et des sentiments de ses proches.
Assassinat pas contesté
Me Nadia Calabria, avocate de la défense, n’a pas contesté la qualification d’assassinat pour les faits de Morges. Ni le traumatisme subi par les témoins de l’agression. En revanche, elle a tenté de démonter les accusations de propagande en faveur de l’Etat islamique, de tentatives d’incendie d’une station-service et d’assassinat sur un gardien de prison.
L’avocate a rappelé que la peine dépendrait du choix de la cour: soit cette dernière considère que l’accusé assume son acte et doit être sanctionné par une peine à vie. Soit les juges estiment que son client souffre d’un trouble psychiatrique grave et ils doivent renoncer à la prison à vie.
Me Calabria a écarté l’internement ordinaire proposé par le Parquet: ‘Tout le monde a le droit de voir une fenêtre sur son avenir. Je souhaite que soit prononcée une peine qui ait une fin.’ A titre subsidiaire, l’avocate a reconnu que la mesure thérapeutique proposée par l’expert pouvait être tentée. Elle a retenu que les chances de réussite d’un tel traitement étaient ‘bonnes’.
Incompréhension de la famille
Durant la matinée, l’avocat de la famille de la victime a évoqué l’incompréhension de ses clients qui, pour la première fois, ont eu l’occasion de s’exprimer. Incompréhension face à un accusé qui a invoqué les motifs les plus divers: pour le califat, pour le prophète, pour se venger de la coalition luttant contre l’Etat islamique en Syrie.
Incompréhension aussi face à la prise en charge du prévenu après sa première incarcération. ‘Cette famille attendait davantage d’explications de la part de la justice et des autorités sur les défaillances de cet encadrement’, a souligné l’homme de loi.
L’accusé s’est dit prêt à recommencer, à s’en prendre à un innocent, a rappelé l’avocat. Dans ces conditions, on ne peut pas parler de remords sincères. Pour la famille, cet homme est un manipulateur.
Me Barbosa a réclamé des indemnités totalisant 200’000 francs à titre de réparation du tort moral pour les parents et le frère de la victime. Non seulement pour le traumatisme subi mais aussi pour les manquements des autorités dans le suivi du prévenu avant l’assassinat.
En poignardant un jeune Portugais choisi au hasard parmi les clients d’un kebab, l’accusé a porté atteinte à une Suisse multiculturelle, a souligné Me Charlotte Iselin, avocate d’un ami de la victime. Attablé aux côtés de cette dernière, il a assisté au plus près à l’agression. Depuis, ce plaignant n’a cessé de ressentir des sentiments de culpabilité et d’insécurité qui se traduisent par des cauchemars, des flash-backs, notamment. Une indemnité de 20’000 francs a été demandée. La défense a admis ces prétentions civiles.
Le verdict sera rendu le mardi 10 janvier 2023.
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