C’est auréolé de sa réputation de grand avocat pénaliste, que même l’avocat général avait saluée lors de son réquisitoire, que Me Frank Berton s’est avancé devant les jurés. Il était 11 h 45, ce vendredi, et le plaideur lillois allait démontrer que sa renommée n’est guère usurpée.
Avant lui, son confrère, Me Thomas Jourdain-Desmars, avait préparé le terrain, fustigeant l’absence de preuves matérielles, « qui font de ce dossier un dossier mystérieux ». Il le reconnaît, son client, Simon Jégou, est « un être particulier, un taiseux. Mais existe-t-il une preuve de sa culpabilité ? ». Il bat en brèche l’hypothèse d’une rupture inéluctable du couple, préfère y voir « une relation en dents de scie ». Sa passivité lors des battues ? « Il est épuisé et transi de peur à l’idée de retrouver le corps de sa compagne ». Ajoutez à cela sa toxicomanie galopante, et les enquêteurs sont, selon lui, « partis de Simon Jégou pour habiller sa culpabilité ». À ses yeux, il restait « des pistes inexplorées, des interrogations majeures ». Il aurait, selon lui, fallu approfondir la piste du copain de shoot de son client. « Vous prenez le risque de condamner un innocent ».
Me Frank Berton va plus loin. De sa voix de stentor, il bouscule les jurés : « On vous demande de condamner un homme à 25 ans sans savoir quand il a tué, où, pourquoi et comment ? Arrangez-vous avec votre conscience ! ». Où ? « On ne sait pas. Sur le lit ? Peut-être. Ça n’aurait pas saigné ? ». Quand ? « Tout ce qu’ont pu dire les légistes, au vu du corps, c’est qu’elle était décédée le 26 avril. Mais morte entre le 21 et le 22 avril ? Vous n’en savez rien ! ». Il pointe l’absence de traces d’un quelconque transport de corps dans les deux voitures du couple. « Vous êtes obligés de vous cantonner à l’hypothèse que ça ne peut être que lui ».
Me Berton s’insurge contre ce scénario « qu’on vend » aux jurés. Il exhume le témoignage de la voisine du couple, qui, le matin du samedi 22 avril, voit passer Claire au volant de sa Clio entre 9 h et 10 h. « Vous ne pouvez pas déchirer sa déposition parce qu’il faut condamner Simon Jégou ! ». Il concède que son client « présente mal. Mais ce n’est pas son attitude, ce n’est pas sa drogue qui font sa culpabilité ! ».
Habilement, il se garde d’imposer son magistère – « Moi, je n’en sais rien. C’est à vous de savoir ! » – avant de les ramener sur la piste du copain toxicomane de Simon Jégou. « C’est quelqu’un qui a habité Cohiniac deux ans. On n’a pas vérifié son alibi ! ». Pour Me Berton, on ne peut disposer de la liberté d’un homme avec si peu de preuves. Je vous demande d’acquitter Simon Jégou au bénéfice du doute ».
Conformément à la loi, ce dernier a eu la parole en dernier. Simon Jégou s’est levé et a dit : « Pour être simple, Claire, je l’aimais. Et si je tiens le coup depuis cinq ans, c’est vis-à-vis de Claire et de mon fils. Mon devoir, c’est de retrouver mon garçon. Je suis innocent. Quelle que soit votre décision aujourd’hui, on n’arrivera pas à rendre justice à Claire aujourd’hui ».
Les jurés délibèrent depuis 13 h. Le verdict est attendu en fin d’après-midi.