«Le déclic, c'est quand elle m'a dit qu'il commençait à s'en prendre à son fils» | Slate.fr – Slate.fr

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Élise Costa — Édité par Diane Francès
Temps de lecture: 10 min
Le 9 novembre 2018, en fin d’après-midi, Jessica Adam se promène avec Corinne, sa tante maternelle. Elles discutent de de Noël qui approche et des cadeaux qu’elles feront aux enfants. Au bout de la rue, les policiers attendent Jessica.
À la barre, Corinne indique n’avoir jamais revu sa nièce depuis son interpellation. Elle aurait pu lui écrire, demander un droit de visite en prison, mais elle n’en a rien fait. «Je fais un blocage, je ne peux pas pour l’instant… Peut-être que ça viendra», avance-t-elle à la présidente de la cour d’assises, presque essoufflée. D’un coup, elle ravale un sanglot et murmure: «Je voudrais dire que c’est une belle personne. C’est tout.»
Ce 9 novembre 2018, la nuit est tombée depuis un moment derrière les fenêtres du commissariat central de Rouen. Jessica a avoué sa participation à l’assassinat de Sliman Amara. Elle leur a raconté pour le projet, le Seresta 50 milligrammes, la bâche bleue et le scotch gris apportés à Céline Vasselin le samedi 3 novembre. À l’enquêtrice, Jessica dit être un peu fatiguée. Elle demande à se reposer. L’enquêtrice acquiesce et la fait sortir pour fumer une cigarette. «Jessica Adam lui confie vouloir soulager sa conscience, mais qu’elle voudrait le faire en présence d’un avocat et sans tous les enquêteurs, qui sont des hommes», retrace le major Patrick Fayeulle.
Ainsi, la seconde et dernière audition se tient à 1h du matin. Cette fois, Jessica Adam évoque les combinaisons blanches, le hachoir électrique, et la cave. Sa version est similaire à celle de Céline Vasselin. À la fin de sa garde à vue, Jessica pleure, avant de s’essuyer les yeux: «Je n’ai pas le droit de pleurer», commente-t-elle.
Céline Vasselin, témoigne Jessica Adam dans le box des accusés, avait su lui amener les choses. Elle lui avait juré «qu’elle prendrait tout sur elle». Qu’on ne remonterait pas jusqu’à elle, que personne ne les connaissait, et que Sliman Amara n’avait pas de famille. Qu’il ne manquerait à personne. Pendant qu’elle se rendait dans les magasins Action et Leroy Merlin pour acheter les outils, Jessica Adam espérait que Céline Vasselin lui dise: «On arrête tout.» «C’est comme si une fois que j’avais donné mon accord, fallait aller jusqu’au bout», se justifie-t-elle, gênée, face à la cour d’assises de la Seine-Maritime.
De l’avis de toutes ses amies, Jessica Adam est «une belle personne». «Elle aimait les gens, assure Valérie. Elle aidait tout le temps.» Gwenaëlle, elle, décrit aux enquêteurs: «Elle a de la répartie. Avec politesse et justesse, voire avec humour. Je ne l’ai jamais vue cruelle avec qui que ce soit.» «Elle est extra, lance une autre amie. Vous n’imaginez même pas, faut la connaître…» Aussi apprécié que l’on soit, tout le monde a ses petits défauts: un peu abrupt dans ses paroles, têtu, mal organisé. Pas Jessica. S’ils devaient lui trouver un défaut, ses proches ne lui en trouveraient «aucun».
Le 10 novembre 2018 au soir, Jessica arrive en détention. Elle passe d’abord par la salle de fouille: «La surveillante revient au bout de dix minutes et me dit: “Qu’est-ce que vous faites? Rhabillez-vous!” Je lui ai dit: “J’attends ma tenue”.» Elle ne connaissait rien de la prison. «C’est un lieu qu’on ne voit qu’à la télé», tente-t-elle d’expliquer à la cour.
Son rapport de détention note que Jessica Adam est auxiliaire d’étage et auxiliaire bibliothécaire. Elle lit beaucoup. «De tout, mais surtout des romans», précise-t-elle. De temps à autre, elle va voir le psychologue. Elle dit «qu’il rame» avec elle.
Daniel Muh est expert psychologue auprès de la cour d’appel de Caen. Il a rencontré Jessica Adam en mai 2019 à la maison d’arrêt. «J’ai travaillé vingt ans en prison et c’est toujours compliqué d’entamer un travail avant le procès», note-t-il. Il ajoute: «Quand elle dit: “Le psy rame avec moi”, ce n’est pas le professionnel qui est en difficulté. C’est elle.»
Devant la juge d’instruction, Céline Vasselin pose: «Jessica, elle avait une sorte de don. Elle me comprenait.» Mais Jessica Adam n’avait pas de don. Seules des sorcières s’étaient penchées au-dessus de son berceau.
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«J’ai eu une enfance très compliquée», énonce-t-elle sobrement à la cour d’assises. Elle naît le 4 janvier 1983 à Rouen, de père inconnu. De lui, elle ne sait pas grand-chose. Simplement qu’il s’appelait Gabriel, était réunionnais, et que son surnom était «Carlos». Rapidement, sa mère se remet en couple avec un Portugais, José Foito. À partir de là, son existence tout entière bascule. Aux enquêteurs, Corinne dira: «Monsieur Foito était un salopard.»
À 3 ans et demi, Jessica Adam perd son petit frère, encore bébé: «On dit que la mort du nourrisson, c’est le cœur qui s’arrête, mais…» Dans le box des accusées, ses mains se nouent: «Un bébé ne doit pas pleurer pendant des heures, des nuits, dans un seau d’eau froide. Forcément au bout d’un moment, le cœur s’arrête.» Elle se remémore: «À 4 ans, on m’a demandé d’écrire une lettre pour trouver un logement, je ne savais pas le faire…» José la frappe et lui casse des os de la main. «Il m’a enfermée dans un placard pendant deux jours parce que je ne savais pas faire mes lacets. J’avais toujours 4 ans», poursuit-elle. Viennent ensuite un autre frère, et une petite sœur.
De son passé, Jessica Adam parlait très peu. Seules deux amies, Élodie et Anaïs, ont eu des confidences, il y a bien longtemps. «J’ai la sensation d’être l’une des seules personnes à avoir su ce qu’elle avait subi, donc je voulais vous le dire», expose Anaïs face à la cour d’un ton calme. Élodie, elle, a un débit plus rapide, comme si elle avait peur de tout oublier: «Elle a vécu des choses qu’un enfant n’aurait pas dû vivre. On avait 5, 6 ans.» La famille a été mise à la porte de divers logements. Un temps, ils ont dormi dans une voiture, avant de s’installer avec la famille d’Élodie. Jessica et elle dorment ensemble dans le lit d’Élodie: «Son père venait la chercher, se souvient cette dernière. Elle revenait dans mon lit, tout en tremblements.» La mère de Jessica les surprend. «Et elle ne fait rien», observe Jessica.
À la barre, Elodie ne s’arrête pas: «J’ai pas envie de me souvenir, mais j’ai besoin de vous expliquer…» Elle a vu les coups, les sévices, l’insalubrité et l’alcoolisme. Les scènes qu’elle raconte dépasse l’entendement. Jessica essayait de protéger sa sœur, en vain. «Son beau-père allait chercher sa petite sœur dans son lit, Jessica s’interposait et elle prenait des coups.» Son petit frère a été placé dans une famille d’accueil à l’âge de 3 mois. Bébé, «son beau-père a fait chauffer un bain brûlant et l’a jeté dedans». Son corps était brûlé à 80%. Jessica et sa petite sœur, elles, resteront.
La mère de Jessica ne lève pas le petit doigt. Elle minimise. Jessica lui en veut. Elle savait tout. «C’est le rôle d’une mère de protéger ses enfants», argue Jessica. Elle l’appelle «ma génitrice».
José Foito traînait Jessica par les cheveux dans tout l’appartement. Anaïs dépeint une scène que lui a confiée un jour Jessica: «Il l’a contrainte à s’asseoir face à lui à table et à manger tous les mégots du cendrier, jusqu’à ce que le cendrier soit vide.» Anaïs dit que cette nuit où Jessica lui a parlé, c’est elle qui la consolait. «Elle était détachée, comme si elle parlait de quelqu’un d’autre. Elle ne pleurait pas, sauf pour le chien.» Enfant, Jessica avait un chien. «[Son beau-père] l’a saisi par la peau du cou et lui a tranché la gorge», répète à son tour Anaïs.
Dans le box des accusées, Jessica a le syndrome des jambes impatientes. Elle se pince les lèvres. Tout ça est compliqué à livrer à voix haute: «J’avoue ne l’avoir dit à personne. De toute façon, je n’en avais pas le droit», dit-elle.
À la maison, Jessica était «la petite Cendrillon». Le ménage, les repas et les vaisselles, c’est elle qui s’en occupait. «Quand j’avais oublié une coquillette dans l’évier après la vaisselle, il ne disait rien. Et il venait dans la nuit, me réveiller à coups de poings. Juste parce que j’avais oublié une coquillette dans l’évier», relate-t-elle.
En vacances, sa tante Corinne la prend chez elle: «Ça a toujours été un endroit d’évasion parce que c’est la seule qui me prenait.» Une fois où il veut frapper Jessica devant elle, Corinne met José Foito à la porte «manu militari», lui criant: «Chez moi on tape pas les gosses, tu dégages!» Jessica se tient droite: «Je retenais beaucoup les conseils de ma tante quand j’étais petite. Ce qui était bien, pas bien… J’aurais voulu être à la place de ma cousine.» Elle ne comprend pas ce qui s’est passé pour elle. Une enquêtrice des services sociaux est pourtant venue: «Elle a été très mal reçue par Monsieur Foito, et elle a disparu. Rien que la façon dont elle a été reçue aurait dû l’alerter…» Elle ne sera placée qu’à l’âge de 15 ans.
À 15 ans, Jessica supplie sa mère de l’inscrire à l’école. Sa mère refuse. Elle a rencontré un autre homme et compte partir. Alors, Jessica fait les démarches «dans son dos»: «J’étais une élève studieuse, avec des lacunes tout de même, mais j’aimais l’école.» Lors de sa déposition, Élodie se rappelle: «On a fait le CP et le CM1 ensemble. Elle était meilleure que moi. Je copiais sur elle.»
Philippe Lorto, l’expert psychiatre qui a rencontré seul Jessica Adam en détention, hoche la tête: «Ce qui m’a frappé, c’est qu’au milieu du chaos de son enfance, elle avait réussi à suivre une scolarité linéaire.»
Jessica est inscrite mais comme elle n’a pas de fournitures scolaires, elle se retrouve constamment exclue des cours. À son retour d’école le soir, une voisine la nourrit. En décembre, démoralisée, elle sèche le lycée. «À quoi bon passer mon temps en permanence?», pense-t-elle. À la rentrée de janvier, elle vient de fêter ses 16 ans. L’école n’est plus obligatoire pour elle. Elle a un sursaut. Elle retourne à l’école et «supplie le directeur» de la reprendre. Il comprend enfin ce qui se passe. Il y a un signalement. L’école fait des démarches pour qu’elle puisse profiter de la cantine le midi. «C’est là que j’ai été placée en famille d’accueil d’urgence», raconte-t-elle. Sa tante Corinne est nommée «tiers de confiance» et le week-end, Jessica vient chez elle.
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À 17 ans, elle rencontre Tony. Il a un coup de foudre pour elle. Deux ans plus tard, en 2002, ils ont leur premier enfant. Puis un second en 2005. Et une petite fille, en 2007.
«Trois choses importantes pour Jessica, annonce une amie en audition. Ses enfants, sa maison, et sa voiture.»
«Du jour où elle a eu son permis, se souvient Tony, elle ne tenait pas en place et tournait en rond chez elle.» Elle prend ses enfants à bord et les emmène au parc, au cinéma, aux foires. Elle est tout le temps avec eux. Invite leurs amis à la maison. «Elle a toujours été une mère exemplaire, affirme Tony. Même à l’heure actuelle, elle est capable de les aider à faire leurs devoirs, même par téléphone.»
Avec son amie Élodie, elles ne parlent plus de leur passé. «C’était la honte», souffle Élodie. Elles ne veulent pas se plaindre, elles veulent avancer. Jessica travaille chez Picard, puis Action. Quand Élodie tombe enceinte, son conjoint se met à la frapper: «J’ai accouché avec une côte cassée et un tympan percé», précise-t-elle. Jessica l’enjoint de partir, lui propose son aide et lui dit: «On ne répond pas à la violence par la violence.» Alors Élodie l’écoute. À propos de José Foito, Jessica dit: «Au fond de moi, je lui voulais du mal mais je me disais tout le temps: “Dieu est grand, et il se fera du mal tout seul”.»
En 2018, l’année des faits, Tony, «l’amour de sa vie», la quitte. «C’est la faiblesse des hommes, admettra-t-il auprès des enquêteurs. Je suis allé voir ailleurs.»
La présidente de la cour d’assises regarde Jessica Adam.
Ça vous a fait souffrir? lui demande-t-elle.
– Énormément, murmure Jessica.
Aujourd’hui, avec le recul, elle se dit que Céline Vasselin «s’est servie de certaines faiblesses qu’elle a su cueillir à des moments opportuns de [sa] vie» pour assassiner son conjoint Sliman Amara.
On lui demande quand elle a accepté d’aider Céline Vasselin. Jessica tremble un peu: «Le déclic, c’est quand elle m’a dit qu’il commençait à s’en prendre à [son fils], qu’il lui avait tiré les cheveux, et que [son fils] avait vomi et…» Jessica retient ses larmes. Elle essaie de dire quelque chose, puis: «Il faut savoir que moi, José m’a fait manger mon vomi…»
Devant la juge d’instruction, elle avait simplement observé: «Tout mon passé est remonté.»
Olivier Muh, l’expert psychologue, analyse: «Ce qui a été important, c’est pas que [Sliman Amara] ait été violent avec sa compagne ou qu’il soit alcoolique. C’est qu’il risque ou commence à s’attaquer à un enfant de 3 ans.» Et d’ajouter: «Ce qu’elle pensait combler avec le temps, ça s’est rouvert. Il y a eu un effet miroir à ce moment-là.» Maître Vincent Beux-Prère, l’avocat de Jessica Adam, demande à l’expert s’il y aurait d’autres explications à ce geste, s’il voit une autre hypothèse. L’expert sourit: «Non, pas beaucoup.»
En détention, Jessica Adam est «une figure», selon une de ses anciennes codétenues. Dès qu’une nouvelle arrive, elle l’accueille, lui explique le fonctionnement de la prison, discute avec elle. Le reste du temps, Jessica suit les cours d’italien, de français, d’arts plastiques, et d’histoire-géographie. Des faits, elle n’en parle jamais. Ni avec les personnes de la maison d’arrêt, ni avec celles de l’extérieur.
À la barre, son amie Alexandra s’exclame: «Ça m’a choquée! Ça m’a détruite de l’intérieur et ça a détruit tout mon entourage. Mais je ne l’abandonnerai pas, quoiqu’il arrive.» Elle a obtenu un permis de visite et un droit de téléphoner. «Je vais vous dire honnêtement, appuie Alexandra à la fin de sa déposition, pour moi, c’est mon amie et tout ce que je veux, c’est qu’elle s’en sorte.»
Face à la cour, Jessica Adam exprime des regrets, reconnaît que ce qu’elle a fait est impardonnable, et que finalement, le fils de Sliman Amara et Céline Vasselin a fini en famille d’accueil à cause d’elle. Cette histoire qui se répète l’empêche de dormir la nuit. Un instant, elle cligne des yeux, avant de croiser à nouveau les mains devant elle: «Pour moi, aujourd’hui, j’ai vendu mon âme au diable.»
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À la fin de sa seconde garde à vue, elle avait commencé à douter: «Si c’était à refaire, je ne le referais pas. Il ne méritait pas ça. Après tout, je n’ai rien vu de mes yeux.» Jessica Adam ne connaissait Céline Vasselin que par son prénom.
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