La malédiction de la nanny | Slate.fr – Slate.fr

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Elodie Palasse-Leroux — Édité par Natacha Zimmermann
Temps de lecture: 8 min
Lisez d’abord les épisodes précédents.
Avec un avis de recherche international à son nom et son visage affiché chez les marchands de journaux du monde entier, Lord Lucan ne peut pas se cacher indéfiniment, pensent les enquêteurs de Scotland Yard en cette fin d’année 1974. Le 24 décembre, miracle de Noël, ils reçoivent d’ailleurs un excitant coup de téléphone de leurs homologues australiens.
À Melbourne, un ressortissant britannique à l’accent éduqué et à la haute silhouette élégante a été arrêté. Les policiers locaux sont persuadés que le gentleman, dénoncé par son logeur qui lui trouvait un air franchement suspect, est bien le meurtrier en fuite. L’homme flanche sous la pression et admet avoir mis en scène sa propre mort.
Il a des dettes, un physique similaire à l’homme recherché, et lui aussi est membre du Parlement britannique. Mais il n’est pas Richard John Bingham, septième comte de Lucan. Son nom est John Stonehouse, un ministre du gouvernement de Harold Wilson. Présumé mort noyé le 20 novembre de la même année (deux semaines après le meurtre de Sandra Rivett), il s’était enfui en laissant sa femme et leurs trois enfants l’imaginer mort, pour refaire sa vie avec sa jeune secrétaire.
C’est la lecture du roman de Frederick Forsyth, The Day of the Jackal (Chacal, en français) –ou en visionnant le film sorti en 1973, même s’il trouvait plus glorifiant de prétendre l’avoir lu–, dont le héros est un Anglais missionné pour tuer le général de Gaulle, que John Stonehouse imagine son coup.
Comme le «Chacal», il prend l’identité d’un homme décédé dont il partage l’année de naissance. Et pousse le souci du détail assez loin: après avoir choisi deux hommes sur les listes électorales de sa circonscription, il traque leurs veuves, sympathise avec elles et leur soutire les informations nécessaires à la complétion des faux passeports. Deux valent mieux qu’un.
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Pour la petite histoire, le sort de John Stonehouse après sa capture est inattendu: le Premier ministre Harold Wilson préfère ne pas le destituer, afin de conserver la maigre majorité du Parti travailliste au Parlement. Le ministre n’est pas condamné avant août 1976.
Trois ans plus tard, tandis qu’il purge une peine de prison, Margaret Thatcher, apprenant qu’il a été un agent à la solde des services secrets militaires de la République socialiste tchécoslovaque, décide qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour l’inculper. Celles-ci seront plus tard livrées par les Tchèques et leur existence confirmée, dans un livre, The Defence of the Realm, par le MI5. John Stonehouse meurt en 1988, marié à sa secrétaire.
Des suspects sur lesquels la police se rue avec autant d’excitation que sur Guy Joao dans l’affaire Dupont de Ligonnès, il y en aura d’autres; des rendez-vous manqués également. En juin 1975, une Française affirme ainsi avoir vu dîner Lucan dans le restaurant de son père à Cherbourg. On l’aurait aperçu la même semaine jouer au casino à Saint-Malo. Mais la descente de police au Grand Hôtel de Cherbourg ne donne rien.
Lucan aurait-il été assez stupide pour se cacher en plein casino, juste de l’autre côté de la Manche? «Je n’y crois pas une seconde», assure sa femme à la presse venue l’interroger. «Comment voulez-vous qu’il se fasse passer pour un Français?»
La piste africaine est plus crédible. Toujours en 1975, raconte l’autrice Laura Thompson, un médecin gallois rencontre au Mozambique un Anglais qui noie son désespoir dans la bière –Lucan serait tombé bien bas. Il lui aurait confié rêver de retrouver sa mère patrie mais en être empêché car «il est Lord Lucan, recherché pour meurtre».
L’enquête ne donne rien mais se trouve relancée cinq ans plus tard, quand un membre du Clermont Club se tue dans un accident de voiture. Dans son carnet d’adresses, la police trouve une intrigante entrée: «Lord Lucan, c/o Hotel Les Ambassadeurs, Beira, Mozambique». Pas de Lucan dans le registre de l’hôtel. En remontant en 1975, on découvre toutefois un nom familier: celui de Maxwell-Scott. Comme Susan, la dernière personne à l’avoir officiellement vu en vie. Susan et Ian Maxwell-Scott se défendent d’y avoir mis les pieds. Mais leur ami aurait-il pu utiliser leur nom?
L’année suivante, une connaissance dit l’avoir croisé en Afrique du Sud, «ses cheveux décolorés en blond, avec une frange et sans moustache». Puis on le voit au Zimbabwe et encore en Zambie, mais aussi à Macao, Hong Kong, aux Bahamas… Le mythe de Lord Lucan devient aussi populaire que celui de la dame blanche.

naissance frances 1Les jours heureux: Veronica Bingham, toute jeune Lady Lucan, et son premier enfant, Frances, en 1964. | Capture d’écran David O’Neill via YouTube
La faute est en partie à imputer à la presse. Pour le journaliste du Guardian Roy Greenslade, «c’est ainsi qu’est né l’un des mythes les plus coriaces de Fleet Street [quartier historique de la presse à Londres, ndlr]: des journalistes et des photographes inventant des apparitions de Lucan dans les coins les plus reculés de la planète pour s’assurer de voyager en première classe et couler quelques jours ensoleillés dans des hôtels cinq étoiles». Ce devait être une bien belle époque.
Il cite John Junior, rédacteur en chef du tabloïd le Sunday Express, qui préconisait dans une very british parabole de ne «jamais tuer le renard. Une fois le renard mort, vous n’avez plus rien à chasser.» Une maxime également adoptée par certains membres de la police: on ne compte plus les livres écrits par d’anciens enquêteurs promettant de dévoiler leur vérité, toute leur vérité sur l’affaire. Le malchanceux Lucan a fait le bonheur de beaucoup d’autres.
Un des rebondissements les plus troublants de l’affaire Lucan intervient exactement dix ans après que celui-ci a été jugé coupable de meurtre par contumace.
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Au début de l’année 1985, une rumeur se répand: on serait sur le point de retrouver le corps de Lucan, des fouilles sont en cours à Londres. Plongeur pour la Metropolitan Police londonienne, Mackenzie Moulton raconte l’épisode dans un livre, London Police Divers Log Book. Appelé pour sonder une partie de la Tamise, lui et son équipe passent de longues heures à repêcher des restes humains. Mais ce ne sont pas ceux de Lucan.
La veille, un homme s’était présenté dans un commissariat pour avouer un crime. On ne l’avait pas pris au sérieux. Revenu flanqué d’un avocat, il avait débité son histoire: à la suite d’une dispute avec sa femme, sous le coup de la colère, il l’aurait frappée. Sa tête aurait alors heurté une surface dure. Elle était morte. Nicholas Boyce aurait alors été pris de panique –ses enfants étaient dans l’appartement, il fallait faire vite. Traînant le corps dans la salle de bains, il l’avait hissé dans la baignoire et entrepris de le découper.
Mackenzie Moulton retrouve les mains, les seins et quelques autres morceaux de la femme de 32 ans. Les bras et jambes ont été découpés en filets puis cuisinés par Nicholas Boyce «pour les faire ressembler à des restes du déjeuner dominical», rapporte le New York Times. Il les a ensuite dispersés dans diverses poubelles de la ville, notamment celle d’un restaurant McDonalds. Revenu chez lui, il a glissé la tête dans un sac, mis les enfants dans la voiture et a roulé quelques kilomètres avant de se garer sur les quais. En compagnie des enfants, il a marché jusqu’au milieu d’un pont: «Dites au revoir à maman», leur aurait-il intimé avant de jeter la tête dans l’eau.
Mackenzie Moulton la retrouve en effet dans un sac de supermarché, sous le pont. Quelques minutes plus tard, elle aurait été emportée par la marée et les chances de la retrouver se seraient amoindries. C’est une pièce à conviction cruciale: les résultats de son analyse ne vont pas dans le sens de la version de Nicholas Boyce. Même s’il a tenté de masquer les traces en découpant à un endroit précis le cou de la victime, le corps de Christabel porte la marque du fil de l’aspirateur avec lequel elle a été étranglée.
Christabel Boyce, née Martin, était dix ans auparavant une des jeunes nannies employées par le couple Lucan. C’est elle qui aurait dû remplacer, dans la soirée du 7 novembre 1975, Sandra Rivett. Elle aidait occasionnellement Veronica à s’occuper de Frances, George et Camilla, comme elle l’a fait pendant le procès. Alors âgée de 22 ans, elle était la confidente de Lady Lucan. Christabel avait aussi témoigné devant la justice, évoquant les coups de fils anonymes régulièrement reçus dans la maison de Lower Belgrave Street.
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Le petit George Lucan, puiné de la fratrie et futur héritier du titre, encadré de ses
parents. | Capture d’écran David O’Neill via YouTube
Elle avait, plus tard, épousé Nicholas, étudiant à la prestigieuse London School of Economics. La journaliste Maureen Cleave a interrogé les proches du couple pour comprendre ce qui avait pu se passer. Christabel travaillait et soutenait sa famille: deux jeunes enfants, un mari qu’elle avait encouragé à poursuivre son doctorat, même après la perte de sa bourse étudiante (il était toujours en retard ou en conflit avec son directeur de thèse).
Mais leurs disputes avaient eu raison de leur histoire et Christabel avait décidé de le quitter. Elle craignait pour sa vie, s’en était ouverte à une tante et à des amies. Elle avait même caché chez elles des objets auxquels elle tenait, car il avait pris l’habitude de casser ceux qui lui étaient précieux, et leur avait confié son inquiétude en voyant Nicholas lire des livres spécialisés en droit criminel.
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Dans son livre Misogynies, paru en 1989, la journaliste Joan Smith évoque l’issue du procès: défendu par un avocat débutant (dont le site web vante aujourd’hui son exceptionnel succès dans les affaires de meurtres), Nicholas Boyce a été condamné à six ans de prison.
«Avant cet atroce événement, vous étiez un homme qui travaillait dur, de bonne moralité [un good character, ndlr]. Vous n’avez tout simplement pas pu supporter votre femme», a décrété le juge James Miskin. «N’importe quel homme raisonnable et sachant se contrôler aurait pu agir de la sorte s’il avait été provoqué comme vous l’avez été.» Le New York Times souligne que la défense de Nicholas Boyce tirait simplement parti d’une tradition propre à la loi britannique: le fameux good character, permettant à un homme sans précédent judiciaire de prouver que la violence dont il a fait preuve était la faute de sa partenaire, puisqu’elle avait sciemment fait monter la tension.
Dans le cas de Nicholas Boyce, sa femme aurait cassé ses pipes et se serait moqué de sa virilité. Impossible de ne pas faire le lien avec les Lucan, leur relation toxique et les insultes de Veronica, provoquées puis enregistrées par son mari. Christabel aurait-elle pu être influencée par son ancienne employeuse? Ou bien, en partageant ses souvenirs avec Nicholas, faire naître en lui l’idée?
Une autre question vient à l’esprit: Lucan, en poussant sa femme à bout et en prenant leurs proches à témoin de son comportement erratique, espérait-il se fournir une raison valable d’assassiner, aux yeux de la loi, sa propre femme? Le journal intime de Christabel est passé au crible. On y retrouve consignées toutes les confidences que Veronica, Lady Lucan, lui a faites. Elles sont principalement le fruit d’environ dix-huit heures de conversation qu’ont eu les deux femmes pendant les mois qui ont suivi le meurtre, quand Christabel était revenue garder les trois enfants du couple.
Son compte rendu de la soirée du crime correspond en tout point à la version donnée par Veronica à la police le 8 novembre 1975. Mais Veronica est-elle fiable?

À venir, l’épisode 8.
Épisode 5
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