« Ils ne sont plus heureux et c’est à cause de moi ». Dans un écrit ramené de prison, Ali Yapmis, jugé depuis le 25 novembre 2022 par la cour d’assises de la Gironde pour le meurtre de son beau-frère, admet sa responsabilité. Mais pas forcément sa culpabilité dans la mort de Burhan Yapmis tué d’une balle reçue dans le flanc droit et tirée par l’accusé, le 19 mai 2019 dans un fourgon sur la rocade, au retour d’une soirée alcoolisée.
Au moment de leur délibéré, les jurés et juges professionnels devront faire le grand écart entre les qualifications pénales d’assassinat et de coups mortels. La partie civile et l’accusation veulent en effet que la préméditation soit retenue. L’accusé ne reconnaît pas d’intention homicide.
Me Isabelle Raffard épaule la femme et les quatre enfants du défunt. « Même s’il y a bien d’autres victimes dans cette famille, ce clan éclaté ».
Après avoir fait projeter des photos du défunt la veille, l’avocate raconte son histoire. Celle d’un homme mort à 44 ans au milieu de la nuit au milieu de la route sans avoir revu les siens. Né en Turquie, Burhan Yapmis s’était marié à 18 ans avant de partir vivre en France où la famille s’est agrandie avec quatre enfants aujourd’hui âgés de 28, 23, 13 et 5 ans. « Il a commencé comme ouvrier peintre mais rapidement, à force de travail, il s’est mis à son compte et a réussi. Il a construit trois maisons. La construction de celle dans laquelle vit sa famille venait de s’achever », poursuit Me Raffard. « Burhan Yapmis était travailleur, généreux, aimait la musique, le cinéma et la politique, c’était un père et un mari présent, il était apprécié de tous et respecté par tous. Aujourd’hui ses proches veulent que l’accusé paie pour ce qu’il a fait ». Tout ce qu’il a fait.
« Il est jugé pour meurtre mais moi je dis que c’est plus grave que ça ! Ce mort a été assassiné ! C’est ça la vérité du dossier. La qualification pénale a de l’importance pour la partie civile ». Empiétant quelque peu sur les plates-bandes de l’avocat général, Me Raffard voit dans le fait de se procurer une arme, le chargement du pistolet le soir des faits, l’absence d’hésitation au moment de tirer ou encore l’annonce d’un carnage, les preuves de cette préméditation.
« Pourquoi ? Par jalousie ? Par envie de la même réussite. Peu importe le mobile réel ou supposé, c’est tellement plus facile de détruire une vie que de construire sa vie », soupire l’avocate. « D’autant que quand sa famille l’a vu sombrer, elle s’est inquiétée pour lui. Malgré tous les ragots qu’il a colportés. Personne ne s’est méfié. Il était incapable de tuer un poulet ont témoigné des proches. Mais il a mordu la main tendue vers lui. Même celle de la victime. Comme dans un crime passionnel, évoqué par l’expert psychiatre : c’est un acte narcissique de possession de l’autre. »
Le verdict est attendu dans l’après midi.