Des mots et des livres. Avocate avec passion – Le Télégramme




Ce n’est pas un simple témoignage, plutôt un cri. Il faut donc y chercher davantage de sincérité que de style. L’auteur y parle plus qu’elle y écrit, jusqu’à y reporter telles quelles certaines conversations enregistrées au magnétophone. Mais cela importe peu. Puisque ce qu’il faut en retenir, c’est ce que Clarisse Serre veut nous dire, plus que la manière dont elle le fait. Et ce qu’elle veut nous dire, c’est que son métier d’avocat, qu’elle a choisi d’exercer quelque peu en rupture avec les parcours conventionnels, s’il est exigeant pour ceux qui l’exercent avec une aussi opiniâtre conviction que celle dont elle fait preuve, est aussi d’utilité publique.
Avocate pénaliste, Clarisse Serre a su se faire un nom dans la profession, jusqu’à trouver sa place dans un cabinet parisien reconnu. Et elle n’a pas tardé à comprendre que son rôle ne consistait pas, tout au moins très rarement, à voler au secours de braves gens, à l’innocence avérée. N’est-ce pas le fondement de notre système judiciaire de considérer que tout le monde, quel que soit l’acte commis, a le droit à une défense digne de ce nom. Et que le rôle de l’avocat, tel que le conçoit Clarisse Serre, est bien de l’assurée.
Or, après dix-huit ans d’exercice dans la capitale, Maître Serre a décidé de rompre les amarres. En posant sa plaque et en ouvrant son propre cabinet, juste en face du tribunal de Bobigny, dans ce département si fréquemment décrié de la Seine-Saint-Denis. « Nombreux sont ceux qui pensent encore que la réussite ne passe que par la capitale », admet-elle. Sauf qu’après dix ans de cette nouvelle expérience, à la tête d’un cabinet qui a gagné en volume et en reconnaissance, elle ne regrette rien, bien au contraire. C’est même ce qu’elle raconte et explique dans ce livre, témoignage à vif de ce qui fait le quotidien d’une avocate. Ses relations pas toujours faciles avec ses clients comme avec les magistrats, son exigence indispensable pour faire son travail sans sortir des rails, mais aussi ses angoisses avant les plaidoiries dont peut dépendre le devenir d’un accusé, etc. Pour autant, l’expérience de Clarisse Serre ne l’incite pas forcément à se conformer à l’air du temps.
S’agissant des magistrats, elle constate, par exemple, que « certains sortent de l’école alors qu’ils n’ont qu’une vingtaine d’années, et déjà ils sont bombardés juges ». Même inquiétudes à l’égard de la presse dont elle déplore qu’il « n’y ait malheureusement plus beaucoup de grands chroniqueurs judiciaires comme on en a connu les décennies précédentes ». Ou encore, dont elle affirme que « le fameux devoir d’informer n’autorise en aucun cas, là encore, à relayer des faits sans aucune vérification, sans la moindre certitude ». Sur un sujet aussi délicat que les violences faites aux femmes, Clarisse Serre a l’honnêteté d’indiquer que « les policiers, les gendarmes, les magistrats, les avocats, tous peuvent constater chaque fois la difficulté d’appréhender si le consentement est réel ». Et de s’inquiéter : « Aujourd’hui, il faut bien en avoir conscience, la présomption d’innocence est fréquemment bafouée ».
Si le titre de son livre nous la présente comme « La Lionne du barreau », sa lecture nous démontre au moins qu’elle sait consacrer toute son expérience, son intelligence et son énergie à défendre ceux qui ont remis leur sort entre ses mains. Pour autant, elle nous aide aussi à comprendre que la Justice, même si elle a vocation à appliquer les lois et à se conformer à la jurisprudence, est aussi une affaire de femmes et d’hommes et, qu’à ce titre, l’infaillibilité à laquelle elle prétend, est à envisager avec circonspection.
« La Lionne du barreau » de Clarisse Serre. Sonatine Éditeur. 20 €.

source

Comments

  • No comments yet.
  • Add a comment