Le maraboutage dont Paul Pogba (ici en juillet 2016 en Ecosse) est accusé par son frère d’avoir fait usage contre Kylian Mbappé n’est pas reconnu dans le droit français. (Ian MacNicol/Getty Images. AFP)
Des sortilèges entre champions du monde. Dans un tweet daté du 28 août, Mathias Pogba, frère aîné du footballeur de la Juventus Turin Paul Pogba, affirme que ce dernier a fait appel à un marabout pour jeter un sort à Kylian Mbappé, son coéquipier en équipe de France. «Kylian, à présent tu comprends ? J’ai rien de négatif contre toi, mes dires sont pour ton bien, tout est vrai et avéré, le marabou [sic] est connu !», écrit-il sur le réseau social.
Ces accusations de maraboutisme contre Paul Pogba surviennent alors que l’international a confié aux enquêteurs de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) avoir été piégé par des amis d’enfance, dont deux hommes cagoulés qui l’ont menacé avec des fusils d’assaut. Les suspects, parmi lesquels le footballeur affirme avoir reconnu son frère Mathias Pogba, lui auraient réclamé 13 millions d’euros en échange d’une protection discrète ces dernières années. Et l’auraient menacé de dévoiler son recours présumé à un marabout pour jeter un sort à Mbappé.
Le 3 août, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour «menaces et tentatives d’extorsion en bande organisée contre Paul Pogba», selon ses avocats. Si ces accusations de maraboutisme sont vérifiées, Paul Pogba est-il passible d’un recours en justice ?
Aucun texte de loi n’indique que jeter un sort est illégal. «Le monde cartésien de la justice ne croit pas aux sorts, le maraboutage n’existe pas», explique Me Georges Parastatis, avocat pénaliste au barreau de Paris. «Le fait de jeter des sorts n’est pas dans le code pénal, ce n’est donc pas un délit, abonde une source judiciaire. Car tout ce qui n’est pas interdit est autorisé.»
Dès lors, si Paul Pogba a fait appel à un marabout pour ce type de service, rien ne l’expose à une condamnation pénale. «Celui-ci a plus le statut de victime qu’autre chose, estime Me Yannick Le Landais, du barreau de Marseille. Dans l’hypothèse où il est poursuivi, je serais surpris qu’il soit condamné.»
«Le fait d’être un client n’est effectivement pas un délit, poursuit Me Parastatis, qui a défendu une vingtaine de femmes victimes d’escroquerie de marabouts. Le délit, c’est de se faire remettre des sommes d’argent pour des pouvoirs que le marabout n’a pas.»
En résumé, «ce n’est pas le maraboutage qui est en cause, confirme Me Le Landais, mais le plus souvent l’escroquerie et l’abus de faiblesse, commis à l’occasion de son activité». En 2015, l’avocat marseillais a défendu un chef d’entreprise, désemparé par une rupture amoureuse. Le marabout, dit «Professeur Amine», l’avait escroqué de 168 000 euros. Il a écopé de 15 mois de prison ferme.
Dans la majorité des procès, les marabouts sont ainsi condamnés pour des cas d’escroquerie et d’abus de vulnérabilité. «En Europe, les marabouts sont à 99 % des faiseurs d’argent, des escrocs notoires qui profitent de la vulnérabilité des gens, dénonce Youcef Sissaoui, président de l’Institut national des arts divinatoires (INAD), qui accompagne les victimes. Les vrais marabouts, eux, sont des pieux, considérés comme des saints dans leur pays.»
Margot Geay et Amélie Zaccour
© Libé 2022
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